<< | Índex | >> Noms locaux de la langue au Moyen Âge"Historia del pueblo valenciano" (Histoire du peuple valencien). Fascicule 18. Valence. Levante-EMV. 1988. Pp. 343-344."À une époque où les grands États "nationaux" d'Europe n'étaient pas encore constitués et où les frontières politiques étaient modifiées assez fréquemment, certaines langues ont reçu, dans l'usage interne, différentes dénominations particularistes, basées sur le nom d'une ville ou d'une communauté politico-administrative donnée. Pour leurs utilisateurs, c'était une façon de mettre en valeur leurs liens telluriques, généralement par rapport à d'autres membres de la même communauté linguistique mais d'une appartenance politico-administrative différente. Cependant, lorsqu'une langue rencontre sa voisine, ses dénominations particularistes cèdent la place à la dénomination unitaire. Dante, par exemple, se réfère plusieurs fois à sa "langue florentine" ou à son "toscan" natal, sans cesser de se considérer comme un locuteur de la "lingua italiana". Une situation très similaire existait chez les Valenciens de notre Siècle d'Or. Fiers de leur statut de citoyens d'un pays en expansion par opposition à une Catalogne décadente, nos ancêtres préféraient appeler leur langue maternelle "valencien". Le premier écrivain à le faire fut Antoni Canals en 1395. La publication du répertoire complet du lexique d'Antoni Canals, qui vient d'être publié par Emili Casanova (1988), montre que sur plus de 6000 mots inventoriés, seuls 7 peuvent être classés comme des valencianismes. A l'exception de quelques mots étrangers à la mode et de quelques arabismes plus ou moins locaux, les valencianismes stricts du "Tirant lo Blanc", publié en 1490, ne sont pas beaucoup plus nombreux que ceux de Canals, et pourtant Joanot Martorell déclare dans sa dédicace qu'il le traduit en "langue vulgaire valencienne, per ço que la nació d'on io só natural se'n puixa alegrar" (pour que la nation dont je suis fils naturel puisse se réjouir). Avec le nouveau nom, il s'agissait donc de proclamer des origines précises. Dans nos textes du XIVe siècle, les nuances diatopiques, s'il y en a, doivent être recherchées, plus que dans certains dialectalismes souvent discutables, dans la préférence pour certains mots ou variantes formelles de la langue commune. Le nouveau nom était donc une tentative de proclamer des origines précises. Dans nos textes du XIVe siècle, les nuances diatopiques, s'il y en a, doivent être recherchées, plutôt que dans des dialectalismes souvent discutables, dans la préférence pour certains mots ou variantes formelles de la langue commune. Cependant, ces nuances ne sont jamais aussi prononcées que celles qui existent, par exemple, entre le castillan et l'andalou. En plus de souligner le fait différentiel au sein de la Couronne d'Aragon, la dénomination de "valencien", tant au sens idiomatique qu'administratif, a eu la vertu de diluer ou d'intégrer les différences de la population chrétienne hétéroclite. Cependant, dans les contextes internationaux, cette insistance est devenue moins impérative. Lorsque le procès de canonisation de saint Vincent Ferrer (1445-1455) fut engagé, Rome exigea que plusieurs témoins confirment le miracle attribué au saint, à savoir que, sans jamais cesser de prêcher dans sa langue maternelle, il était compris par toutes sortes de nations. L'archevêque de Toulouse se fait l'écho de la duplicité onomastique de notre langue en affirmant que saint Vincent Ferrer prêchait "in sua vulgari idiomate Catalonie seu Valentino" [dans sa langue vulgaire, le catalan ou le valencien]. En revanche, un roi d'armes de Valence s'est contenté de déclarer que Sant Vicent Ferrer "predicabat post latinum in lingua cathalana" [il a prêché après le latin en langue catalane].”. |